"  Par l’exploitation systématique de tous les moyens artistiques, je cherchais à dépasser la notion de ‘style’ en lui substituant celle de ‘contexte de travail’. Mon option pour ce ‘comportement artistique’ me semblait dépasser considérablement les limites d’une simple ‘activité picturale’. "

 

Etant donné l’esprit du temps, la carrière entamée par Bernar Venet au début des années 1960 se situe nettement en dehors du terrain prévisible. Sans réelle formation artistique, muni d’une vague connaissance des avant-gardes, Venet devient artiste dans des circonstances plutôt rudes. Il troque les matériaux traditionnels de l’art contre des fournitures industrielles. Il délaisse la toile pour le carton ondulé, les emballages écrasés jetés à la poubelle, ou les papiers de dimensions variables. Il se sert de ses pieds en guise de pinceaux pour appliquer le bitume en laissant couler le liquide épais sur la surface posée au sol. C’est un art axé sur les modes opératoires pour s’assurer un effet global aléatoire et imprévisible, ce qui n’est pas sans rappeler les créations gestuelles des artistes du groupe Gutai. Venet affirme la réalité de ses matériaux en leur déniant tout pouvoir de transsubstantiation. La matière, c’est la matière, la technique, c’est la technique.