Avec une selection des oeuvres de :
« Toi tu étais plus intime que l’intime de moi-même ».
Saint Augustin
Saint Augustin est le premier à conférer à l’intime sa valeur philosophique. Par cette phrase, il invoque deux notions assez proches mais qu’il convient tout de même de distinguer : celle de l’intime, un sentiment propre à chacun qui s’est développé dans le temps, en tandem avec la notion d’individu, puis celle d’intimité, action de repli, volonté de se protéger des regards indiscrets, acte ancestral. Dès lors entrent en jeu des notions opposées telles que l’intérieur et l’extérieur, le privé et le public, notre intime, l’autre, intime, qui devient alors intimité. Ces sphères semblent définies par un sentiment social ou très personnel qui induit la question de la limite.
Pour cette exposition, ces notions, riches et paradoxales, méritent d’être abordées de points de vue pluriels. Niki de Saint Phalle, créatrice d’univers, nous invite à y entrer par les cavités de son Impératrice, femme monde. Des trous qui transpercent les corps, et l’intime perméable de l’être, dessinés par Keith Haring. Mais ces œuvres interrogent aussi les frontières de ces sphères. Une frontière fragile, comme celle de l’intimité du couple de La Dispute d’Annette Messager ; une frontière géographique et culturelle chez Barthélemy Toguo, qui dénonce la perte de l’identité par la surexposition à trop d’extimités ; la frontière de la chaire, qui pourtant exposée, par la nudité propre à L’Ile du Levant de Baltasar Lobo, ne dépouille pas l'être de son intime. Celui révélé alors serait bien plus profond, voir inconscient, comme dans le dessin automatique d’André Masson : féroce intimité. Nous sommes alors portés vers nos confins, ceux du monde, dans Light in Our Darkness de Gilbert et George. Viennent les ténèbres : ceux des morts qui par leur état semble intimement lié au vivant que le sort guette aussi, en témoigne cette sculpture d’art primitif du Togo, jumeau défunt qui accompagne le vivant au long de sa vie, ceux qui grouillent dans l’obscure cheminée de Valerio Adami qui évoque la solitude d’un intérieur bourgeois (Interno Borghese,1968). Puis la lumière qui dévoile le corps abandonné de La Paresse de Félix Vallotton, et qui écrit une scène de Shibari, l’intime étranger à la conscience occidentale du génie Araki, qui nous dévoile sa vie. L’œuvre serait alors une révélation de l'intime de l'artiste qui ne cesse de perdre et de regagner son statut en allant vers l'extime spectateur, voyeur, dans un mouvement continu, de soi à l'autre, de l'autre à soi, de soi à soi, intimement.