Avec une selection des oeuvres de :
Que l'homme est malheureux qui au monde se fie !
Ô Dieux, que véritable est la Philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin perira,
Et qu'en changeant de forme une autre vestira :
De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cyme d'Athos une large campagne,
Neptune quelquefois de blé sera couvert.
La matière demeure, et la forme se perd.
Pierre de Ronsard, Contre les bûcherons de la forêt de Gastine
L’élégie de Ronsard s’achève par cette philosophique sentence du poète, obsédé par la fuite du temps, « La matière demeure et la forme se perd ». L'exposition consiste à traiter les relations entre matière et forme.
L’illustration la plus éloquente pourrait en être cette Compression (1969) de César où la forme originelle du matériau – le tube – se perd mais où la matière – l’aluminium des tubes – demeure inchangée. Aussi, dans quelle mesure peut-on dissocier la matière de la forme, c'est-à-dire la substance de la sensation ? Doit-on distinguer, comme le fait Descartes, la substance étendue (texture, eau, terre, nature, molécule) de la substance pensante (religieuse, philosophique, politique, sociale) ? Enfin, la matière se trouve-t-elle altérée par l’acte de créer ? Les artistes ont tout à tour exploré les formes diverses que prend une même matière au détriment de sa forme originelle.
La transformation de la matière opère une renaissance abstraite dans l'oeuvre Mirtouan Sea, Sounion II de Sugimoto. Morellet, dans Trois trames de tirets minces(1973), part d'une géométrisation de la surface pour transformer notre espace rétinien en une myriade de points qui ne permettent plus de distinguer les figures tracées. Rotella (Sans titre, 1963) lacère la matière et permet de dévoiler la substance pensante; Haring quant à lui utilise un de ses symboles les plus iconiques qu'est l'atome dans Barking dog (1983), pour dénoncer l'emprise des médias sur une société passive. Traquandi et Masson font glisser les matières pour ne ressentir que les sensations de la substance que peut produire la nature dans son état vierge. C'est ce même rapport à la nature que traite Odier dans Traversée de la Mer Rouge par les Hébreux (1834): la volonté et la puissance pensante distordent la matière jusqu'à faire obéir l'eau à l'injonction des bras ouverts. Schnabel (Sans titre, 2008) part de la photographied’un topos religieux, Shiva, pour soumettre la précision de ses contours d’origine aux linéaments d’une peinture liquide qui projette le paradigme équilibré en une réalité mouvante.
L’essence de la matière reste mais la forme par l’évolution se perd.